PYRAMIDE DE LA COMPLEXITÉ DES ORGANISATIONS

Les entreprises fonctionnent comme des organismes biologiques en ce sens qu'elles ont la capacité de modifier leurs opérations internes (que l'on peut appeler le métabolisme de l'entreprise) en réponse à des changements dans leur écosystème d'affaires, la disponibilité des ressources et le stade de leur cycle de vie. Ajoutez à cela un certain talent pour détecter les problèmes internes - en luttant contre les erreurs de transcription stratégique et les collaborateurs mal recrutés - et nous avons un énorme problème dans la réflexion contemporaine sur la stratégie d'entreprise : notre incapacité à comprendre l'énorme complexité, la plasticité et la robustesse des entreprise en tant que systèmes complexes.

La pensée économique compte de nombreuses réalisations exceptionnelles, mais il est évident qu'une comptabilité complète des connaissances, des compétences et des ressources (y compris les matériaux intermédiaires) ne suffit pas à appréhender la complexité d'une organisation (1). Ces dernières années, nous ont montré les limites de l’approche comptable, et la difficulté des entreprise à identifier les dysfonctionnements socio-économiques à l’origine des pathologies des entreprises et responsable de coûts cachés importants (entre 15 et 60 000 € par personnes et par an) (2). Nous allons voir comment les entreprises peuvent utiliser la perspective biologique pour considérer, les entreprises comme un système vivant observable et évolutif. Considérer les entreprises comme un réseau de connaissances et de collaborateurs est une méthode efficace pour aborder la complexité de la stratégie d'affaires (3).

Selon la théorie économique contemporaine, l'information et les données sont le réceptacle ultime de la complexité économique. En réalité, le stockage, le traitement des données et l'exécution de diverses opérations de gestion sont dispersés dans les organisations à de nombreux niveaux : le génome de l'entreprise est confiné aux serveurs, au système d'information (courriel, note, rapport...), aux collaborateurs et aux ressources. Cependant, la différence entre ces niveaux de gestion a récemment été remise en question, car notre économie a rapidement évolué vers une économie digitalisé, augmentant la perméabilité des interactions entre les différents niveaux de gestion. Par exemple, bien que les informations à long terme soient stockées presque exclusivement dans le serveur de l'entreprise (génome), les collaborateurs jouent un rôle crucial pour le stockage des informations à court terme (4, 5 ) et la recherche d'informations contrôlée par le gestionnaire est fortement influencée par l'état du métabolisme de l'organisation.
 

L'intégration croissante des différents niveaux organisationnels nous oblige à percevoir les entreprises comme des cellules dont les responsabilités sont réparties entre des groupes de composants hétérogènes qui interagissent tous au sein de vastes réseaux (6, 7). Il existe des preuves irréfutables de l'existence de tels réseaux socio-économiques : Les employés forment un réseau d'interaction sociale, et les ressources sont converties à travers un réseau métabolique complexe de création de valeur, par exemple (7). Cependant, la découverte que les réseaux d'entreprises sont régis par les mêmes principes que ceux de la biologie cellulaire est une surprise qui ouvre une nouvelle perspective sur la gestion et la stratégie des entreprises.

Figure 1 : Du spécifique à l'universel.

Légende : La base de la pyramide est une représentation typique des entreprises, des administrations publiques ou des ONG qui sont organisées autour de la connaissance, de l'information, des personnes et des ressources (niveau 1). L'intégration des différents niveaux, tant au niveau réglementaire que structurel, est tout à fait exceptionnelle. Nous pouvons apprendre la logique des affaires en considérant la société comme un organisme cellulaire avec des composants de réseaux complexes reliés par des liens fonctionnels. Nous pouvons obtenir une meilleure compréhension du fonctionnement de la société en déplaçant la logique de vie à travers l'économie. Au niveau le plus élémentaire, ces composants se combinent pour former des motifs de régulation des connaissances et des processus commerciaux métaboliques (niveau 2), qui sont les fondements de modules fonctionnels tels que les entreprises (niveau 3). Ces modules sont imbriqués dans des catégories d'industries, ce qui donne lieu à une structure hiérarchique sans échelle (niveau 4). Les propriétés topologiques des réseaux appartenant à des ONG, des entreprises ou même des pays sont étonnamment similaires à celles des réseaux naturels et sociaux. Il est donc raisonnable d'en déduire que tous les réseaux, de la cellule aux organisations socioculturelles, sont soumis à des principes d'organisation similaires.

Le nouveau paradigme est constitué d'une pyramide de complexité simple, que nous retrouvons en biologie, construite à partir des différents éléments qui composent toute organisation - connaissances, informations, personnes et ressources - (voir figure). Ces éléments de base essentiels s'organisent en minuscules modèles récurrents, appelés processus d'entreprise dans le système d'information et motifs dans les réseaux de régulation basés sur la connaissance enregistrés dans les serveurs de l'entreprise. La modularisation du processus de conception se reflète dans la manière dont ces nœuds sont disposés, interconnectés et reliés, ainsi que dans les motifs et les procédures utilisés pour les construire. Ces modules sont imbriqués dans une structure hiérarchique, telle que l'unité organisationnelle, et décrivent la structure fonctionnelle à grande échelle de l'entreprise comme de la cellule (8).

Plusieurs études apportent un soutien substantiel à l'organisation socio-économique décrite par la pyramide de la complexité (voir la figure). Des chercheurs ont utilisé les données de LinkedIn provenant de plus de 500 millions d'utilisateurs sur 25 ans pour construire un réseau de flux de main-d'œuvre de plus de 4 millions d'entreprises à travers le monde et ont découvert une structure hiérarchique en appliquant la détection de communautés de réseau. Ils affirment, par exemple, que les clusters géo-industriels basés sur le flux de main-d'œuvre offrent des indications importantes sur l'expansion de l'économie (9).

En outre, les travaux fondamentaux de Newman, Milo, Barabasi, Fortunato, Alon, Boccaletti et d'autres suggèrent que les motifs ne se limitent pas à la régulation cellulaire ; on peut également les trouver dans une variété de réseaux tels que les réseaux trophiques, les réseaux neuronaux, les circuits informatiques, le World Wide Web et même les réseaux sociaux (10).

La caractéristique principale de la pyramide de complexité des organisations est la transition progressive du particulier (au niveau inférieur) au général (au sommet). Pour être précis, parce que les besoins de chaque État, entreprise ou ONG sont distincts, l'ensemble précis des composants - connaissances, ressources et personnes - est également unique, comme dans la diversité de la vie. Par exemple, l’étude du métabolisme de 10 organisations appartenant à 4 secteurs d’activités différents et pour lesquels on dispose d'informations métaboliques relativement complètes partagent moins de 15% de leurs ressources et intermédiaires ( Données interne, EVOYKO). De nombreux processus métaboliques d'entreprise clés sont partagés, mais certains motifs sont également prévalents. Au niveau des modules fonctionnels, tels que l'unité organisationnelle, les ONG et l'administration publique, bien que les preuves quantitatives fassent défaut, on pense généralement que les fonctions importantes des modules fonctionnels sont partagées par la plupart des pays. Par exemple, les services postaux sont un module fonctionnel partagé par différents pays. Les processus opérationnels des services postaux présentent des similitudes mais aussi des spécificités dues à l'infrastructure du pays et à la culture locale.

L'arrangement hiérarchique entre les modules semble être assez commun, partagé par toutes les organisations étudiées. Enfin, il est reconnu que la nature des réseaux des organisations sont définis par leurs invariance d'échelles et caractérise tout type de relations intra-organisationnelles enregistrées dans le métabolisme des entreprises, les interactions entre les employés, les connaissances et les réseaux de domaines d'employés. De plus en plus, les études suggèrent que la pyramide des structures de complexité ne se limite pas aux organisations humaines. En effet, une connectivité sans invariant d'échelle avec une modularité hiérarchique intégrée a été observée dans une série de réseaux biologiques et humains. La présence de motifs a maintenant été confirmée dans des réseaux aussi variés que les écosystèmes et le World Wide Web.

Les résultats de nos recherche indiquent certains des problèmes auxquels la stratégie des entreprises sera confrontée à l'avenir. Comme en biologie, les dirigeants d'entreprises reconnaissent la valeur des cartes - des enregistrements précis des interactions internes et externes de l'entreprise, une compréhension de plus en plus fine des flux de valeurs - et nous commençons à comprendre comment elles peuvent contribuer à faire progresser nos organisations. En revanche, la plupart des cartes du métabolisme ou de l'écosystème de l'entreprise sont imprécises ; des liens cruciaux entre les différents niveaux organisationnels manquent. Les connexions topologiques entre les voies de création de valeur, les motifs, les modules et l'ensemble du réseau devront également être étudiées plus en détail. Si les données et l’information sont là, les entreprises manque des concepts, méthodes et outils opérationnel pour illustrer le lien entre les connaissances, les professions et les ressources dans un contexte économique, ainsi que les flux de création de valeur au sein d'un écosystème d’affaires. L’approche d’EVOYKO permet de s’appuyer sur la biologie et l’écologie pour mieux comprendre les pathologies et autres dysfonctionnements des entreprises qui les empêche d’acquérir le fitness souhaité pour évoluer avec succès.

Enfin, des mesures complètes de la dynamique de l'entreprise doivent être ajoutées aux cartes métaboliques ou écosystèmique des entreprises, qui devraient également inclure des informations sur le timing des processus qui se déroulent le long des flux de création de valeur. Au niveau de l'ensemble du réseau organisationnel, ce sujet est toutefois peu étudié. Ce sujet est étudié en détail au sein de motifs et de modules particuliers, tels que les opérations (1). Malgré tous ces défis récents, un cadre initial offrant une feuille de route approximative semble avoir été établi.

Nous apprenons que nos tentatives de comprendre les lois au niveau du système qui régissent l'écologie d'entreprise reflètent en fait celles du Vivant. C'est pourquoi, EVOYKO lse plonge dans la recherche biologique et écologique pour trouver des méthodes et des stratégies novatrices permettant aux organisations de s'épanouir dans un environnement complexe. En définitive, nous avons l'intention d'élucider les raisons sous-jacentes d'un modèle aussi répandu, que l'on peut retrouver dans divers systèmes et réseaux complexes. Nous avons à coeur de construire un écosystème de biologistes, d’écologistes, d’économistes, de sociologues, mathématiciens et neuroscientifiques pour reformuler avec succès une stratégie des entreprises plus humaine, plus responsable et soutenable en s’appuyant sur les sciences et en adoptant la perspective du vivant.

RÉFÉRENCES

1 - Proposals for Future BPM Research Directions

2 - Quarante ans après son invention : la méthode des coûts cachés

3 - Knowledge networks, collaboration networks, and exploratory innovation

4 - Technology Is Not Enough: Improving Performance by Building Organizational Memory

5 - Knowledge and performance in knowledge-worker teams: A longitudinal study of transactive memory systems

6 - From molecular to modular cell biology

7 - Social capital and value creation: The role of intrafirm networks

8 - Network biology: understanding the cell's functional organization

9 - Global labor flow network reveals the hierarchical organization and dynamics of geo-industrial clusters

10 - Network Analysis in the Social Sciences

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